La
soirée du vendredi 13 décembre à l'Agora de Nanterre était de ces
moments qui participent à l'élaboration de notre mémoire commune,
au récit pour l'Histoire, par nature jamais achevés, et toujours
partisans, des combats pour un monde meilleur.
«
L'histoire
de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire de
luttes de classes » :
qui pourraient en douter, à écouter les co-auteurs du magnifique
ouvrage Citroën
par ceux qui l'ont fait
(http://www.editionsatelier.com//Editions
VO), qui avait été présenté en avant-première à la Fête de
l'Humanité 2013.
Ce
n'est pas un hasard s'ils ont choisi la couleur rouge pour la
couverture. L'historien Alexandre Courban, qui a coordonné la
réalisation, l'a présenté comme un livre hors norme, résultat de
plusieurs mois de rencontres et de kilomètres de courriels échangés
avec les acteurs des luttes ouvrières, dont beaucoup ont participé
aussi à une vraie recherche dans des archives. Les quelque 220 pages
du livre ne sont qu'une quintessence de leurs paroles vives, surtout
qu'il fait une large place à des photos et autres documents inédits.
Le travail continue d'ailleurs avec l'ouverture
d'un site, déjà riche de nouveaux témoignages. Espérons que
l'enregistrement intégral des échanges à
Nanterre y sera bientôt.
Une
discussion qui rassemble Serge Prouteau, ancien délégué CGT, Alain
Villeléger, délégué CGT à Asnières jusqu'en 2010, Michel
Laubier, ancien délégué CGT, puis Maire-adjoint de Nanterre et
Conseiller général des Hauts-de Seine, Georges Jarry, animateur des
grèves de 1968 et secrétaire du CE, ça constitue déjà un
précieux passage de mémoires pour les luttes d'aujourd'hui. Ajoutez
la présence de Patrick Jarry, actuel maire de Nanterre, de
personnalités qui ont marqué les luttes ouvrières, comme Michel
Sturaro, qui a fait revivre pour nous les luttes des salariés des
fonderies de Courbevoie et de Nanterre, la dure lutte contre la
fermeture de Montupet, vous comprendrez combien il est indispensable
que toute cette mémoire continue de se construire au présent.
Car
l'actualité des propos est frappante. Par exemple l'importance de la
mobilisation des travailleurs immigrés, majoritairement maghrébins,
leur solidarité, leur courage, malgré la volonté de Citroën
de les soumettre comme de la main d'oeuvre servile et jetable.
Ecrivez
en français, camarades...
George
Jarry se rappelle cette soirée où il était allé voir dans leur
chambre, à Puteaux, des travailleurs marocains de Citroën
Nanterre. Il les a trouvés faisant une lecture collective. Ils lui
ont dit : « Nous
sommes touchés que vous écriviez pour nous des tracts en arabe.
Mais tu sais la plupart de ceux qui parmi nous savent lire, ils
savent lire en français. Alors le titre en arabe, d'accord, mais le
texte, camarades, écrivez-le en français ! »
Les
anciens ont évoqué la violence du patronat, dans les « usines
de la peur », les agressions de ses sbires en lien avec le SAC
(officine de la droite de l'époque), allant jusqu'à tuer par
balle ; les licenciements , ou les pires harcèlements, subis
par des délégués CGT et ceux qui leur parlaient trop souvent,
après les grandes grèves. Ou les mensonges du patronat, pour faire
passer pour des fatalités les fermetures des sites
d'Asnières-Gennevilliers, Levallois ou Nanterre...avec des
reclassements successifs dans des usines vouées à leur tour à
disparaître, comme aujourd'hui Aulnay. A chaque fois des pertes
irréparables de savoir-faire.
Mais
reste bien vivant aussi le souvenir des solidarités, autour des
usines en lutte. Solidarité d'autres salariés, d'autres militants
CGT, comme ceux du Crédit Lyonnais, dont témoigne Annick Herbin.
Mobilisation de nombreux militants communistes de Nanterre, aux
portes de l'entreprise, et pour des actions militantes plus discrètes,
comme celle de Maria Ramirez qui traduisait les tracts en espagnol,
langue lisible aussi par les immigrés portugais. Solidarité des
municipalités, des maires communistes des villes, sans laquelle il
aurait été impossible de tenir pendant les occupations ...
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