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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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mardi 16 septembre 2014

" Pour régulariser les sans papiers, la loi doit changer"


Parmi les centaines de débats pendant les trois jours de la fête de l'Humanité, coup de projecteur sur celui qu'organisait samedi après midi le secteur Droits et liberté du PCF et qu'accueillait le stand de la fédération des Hauts-de-Seine du PCF. 



Animé par Emilien Urbach, journaliste à  l'Humanité, il a rassemblé Armelle Gardien, de RESF, et des lycéens, Denis Renard, secrétaire de l'Union départementale des syndicats CGT 92, Bernadette Hétier, co-présidente du Mouvement contre le Racisme et pour l'Amitié entre les Peuples, Fabienne Haloui, membre de l'exécutif national du PCF, Elisabeth Cazenave, du Parti de Gauche, Jean-François Pélissier, animateur
  d'Ensemble au Front de gauche et conseiller régional d'Île-de-France, des délégués de la Coordination Nationale et du Collectif 93 des Sans Papiers...




Cheville ouvrière de cette initiative, je partage avec tous les participants l'urgente nécessité de redonner du sens et du dynamisme à tout ce que nous avons construit ensemble, comme le collectif Unis Contre Une Immigration Jetable.

 Je vous invite à écouter l'enregistrement "life" du débat (malgré sa médiocre qualité technique), illustré par des photos, et à lire l'intervention préparée pour le réseau Migration-citoyenneté du PCF 92, que j'ai beaucoup raccourcie à l'oral, pour ne pas répéter des choses dites ou qui allaient être dites, et pour ne pas dépasser un dizaine de minutes. 



Mon intervention dans sa version écrite intégrale :


« Pour régulariser les sans-papiers, la loi doit changer ! » : le titre de notre rencontre est inspiré de banderoles et de slogans repris dans des manifestations, à Paris et en province, encore et toujours depuis 2012, comme depuis la sortie de  l’ombre des luttes des sans-papiers, il y a 18 ans, que commémore chaque année la marche jusqu’à l’église Saint-Bernard à Paris.
En 2012, la droite a été chassée du pouvoir par les électeurs, mais pas sa politique, qui se perpétue, avec un président et des gouvernements successifs qui prétendent que leur  politique désastreuse serait la seule possible.
Faute de perspective collective progressiste, solidaires, le repli sur soi, la recherche de boucs émissaires, les fantasmes d’invasion, de « remplacement » de la population et de l’identité nationale par des immigrés, se diffusent. La montée présentée comme irrésistible du Front national, la banalisation du racisme, sous toutes ses formes, de la xénophobie, des phobies violemment hostiles  à l’égalité de tous les êtres humains, en dignité et en droit, empoisonnent le climat politique et les rapports sociaux,  la vie quotidienne.
Pas plus que sur les questions économiques et sociales, l’application du programme du MEDEF ne fera descendre la courbe du chômage, pas plus, au contraire, les reculades face à la droite et au FN sur les questions de droits et libertés, d’égalité, de politique de l’immigration, ne permettront  de sortir de la crise... Refuser la mort de la gauche, c’est résister et construire une alternative, sur l’ensemble des questions, qu’il ne s’agit pas de hiérarchiser. Toutes sont interdépendantes, toutes sont cruciales, pour décider dans quelle société, dans quelle civilisation, dans quelle Europe, dans quel monde nous voulons vivre.
Inhumanité, c’est le premier mot qui vient pour caractériser le traitement des migrants et réfugiés.
Nous avons tous en tête, pour s’en tenir à ces derniers mois et aux évènements médiatisés :
-          La mort de centaines, de milliers de personnes dans la Méditerranée ou ailleurs, dans les eaux ou devant les murs et les portes closes de l’Europe forteresse, alors qu’ils cherchaient refuge en quittant leurs pays ravagés par les guerres ou les dégâts des plans d’ajustement structurels au service des multinationales
-          La destruction des abris et du travail solidaire des associations pour les réfugiés empêchés d’aller en Angleterre, coincés  à Calais et victimes de répression policière, de violences racistes
-          La mort d’un ressortissant algérien père d’un enfant né en France, pendant une tentative d’embarquement de force par la police ; et combien d’autres vies en danger parmi ceux qui sont enfermés dans les Centres de Rétention Administratifs ?
-          Le refus de régulariser les jeunes majeurs scolarisés et les tentatives pour les expulser
-          La lutte pour leur régularisation de travailleurs et travailleuses sans papiers, contre les patrons qui les surexploitent et puis les jettent,  et les préfectures qui refusent parce qu’ils n’ont pas de contrat, de fiches de paie, ou de trop petits salaires…
-          La tentative de faire condamner un prêtre de Saint-Etienne parce qu’il abrite des demandeurs d’asile pour lesquels rien n’est fait par les services de l’Etat…quand même un note positive : le tribunal l’a relâché !
-          Sans oublier le sort révoltant fait aux Roms, qui ne sont pas des sans-papiers, mais des citoyens Européens, parmi les plus pauvres, des familles, des enfants victimes du racisme et des discriminations, chassés, comme avec Sarkozy, de bidonvilles en « camps ». D’autres rencontres sont organisées sur la fête, notamment autour du livre « Roms et riverains, une politique municipale de la race ».

Depuis 2012, l’idée que la loi doit changer était dans l’air. Mais le débat parlementaire a été sans cesse reporté, Manuel Valls préférant agir par ordonnances, circulaires.  La fameuse circulaire de novembre 2012 se présentait comme donnant des possibilités d’admission exceptionnelle au séjour aux préfets sous la pression des luttes des TSP et de RESF…mais elle ne concerne qu’une petite minorité de personnes, et son interprétation en préfecture devient de plus en plus restrictive dès que les grèves et les rassemblements cessent. Parallèlement, des rencontres avec des associations ont eu lieu, un débat sans vote au Sénat s’est tenu sur l’immigration des travailleurs et des étudiants, des rapports ont été publiés, dont le rapport de Mathias Felk, qui reprenait quelques critiques sur l’accueil en préfecture, la détention administrative, sur les recours juridiques, et proposait une mesure phare : un titre de séjour pluriannuel. Il était déjà clair que l’on allait vers un simple replâtrage du Code d’Entrée et du Séjour des Etrangers et du Droit d’Asile (CESEDA), en gardant la même ligne fondamentale que la version Sarkozy de 2006. Quelques facilitations  pour une immigration choisie de personnes très qualifiées, cadres, chercheurs, créateurs d’entreprises, étudiants à BAC + 5…. estimées utiles à l’économie, au rayonnement de la France, et des facilitations pour refuser le droit au séjour ou expulser toutes les autres, comme immigration subie ou comme immigration clandestine. Quelques mots avaient changé, mais sur le fond très peu de choses, et rien du tout pour la régularisation des sans-papiers présents !
Le projet de loi gouvernemental présenté en conseil des ministres est encore pire. Le GISTI en a fait une étude critique très complète. Je donne quelques exemples de régressions, dont certaines ne sont même plus camouflées par l’enfumage des mots. L’obsession de la lutte contre l’immigration dite clandestine est omniprésente.
La partie consacrée aux mesures d’éloignement a l’air d’ une acrobatie juridique pour se conformer aux directives européennes en en gardant le pire  et en évitant  de se faire réprimander par la CE, voir condamner par la cour de justice européenne. Ainsi, la directive de 2008, dite directive « retour », est instrumentalisée pour lier systématiquement OQTF et interdiction de retour. Avec un alinéa précisant que les demandeurs d’asile déboutés sont parmi les premiers concernés, avec un délai de recours contentieux réduit pour eux, et quelques autres, à 7 jours.
Et une des grandes nouveautés, c’est que les étrangers ressortissants de pays tiers à l’UE ne sont plus les seuls visés. Un nouvel article est destiné à « répondre plus efficacement  aux situations dans lesquelles un citoyen de l’UE ou un membre de sa famille abuse de son droit de libre circulation » : l’OQTF (Obligation à quitter le territoire français) sera assortie d’une interdiction non seulement de retour, mais aussi de circulation sur le territoire français pendant trois ans. Les Roms sont évidemment les premiers visés.
Plus question de réduire la durée d’enfermement en CRA (centres de rétention administrative), encore moins d’en remettre en cause le principe, ni de rétablir le délai d’intervention du JLD (juge des libertés et de la détention) avant le passage au TA (tribunal administratif). Juste un vœu que l’assignation à résidence soit préférée par les tribunaux. Mais c’est aussitôt pour anéantir l’inviolabilité du domicile : l’autorité administrative (avec autorisation du JLD, et un recours, non suspensif, en appel) pourra requérir les services  de police et de gendarmerie aux fins d’intervention  à domicile pour l’exécution de la mesure d’éloignement. Et ce sera encore plus simple pour mener sous escorte un étranger sous OQTF aux autorités consulaires du pays dont on pense qu’il est originaire afin qu’il y soit réadmis.
Les pouvoirs de l’autorité administrative, les reculs des droits des personnes seront encore plus violents outre-mer, dans les territoires où, est-il écrit, l’intensité de la pression migratoire justifie des mesures dérogatoires au droit commun.
Et pas question de paraître plus laxiste que la droite  pour  la répression :
« Tout étranger qui se sera soustrait ou qui aura tenté de se soustraire à l’exécution d’une mesure de refus d’entrée en France, d’un arrêté d’expulsion, d’une mesure de reconduite à la frontière, ou d’une OQTF, ou qui, expulsé ou ayant fait l’objet d’une interdiction de circulation sur le territoire français, aura pénétré de nouveau en France, sera puni d’une peine de 3 ans d’emprisonnement »
Pour les dispositions d’accueil et séjour des étrangers, les conditions de délivrance de titres de séjour,  deux axes : tenter de rendre la France attractive pour une immigration choisie de talents et compétences, renforcer le contrôle individuel permanent par les préfectures.
Pour avoir droit au séjour, il faudra non seulement avoir obtenu un visa long séjour, mais aussi satisfaire aux dispositifs renforcés  d’un contrat d’accueil, passant par l’assiduité aux prestations prescrites dans le cadre du parcours individualisé (connaissance de la langue, des droits et devoirs de la République, de la société française…). Pour pouvoir prétendre à un titre provisoire d’un an, puis éventuellement à une carte pluriannuelle. Mais ce ne sera pas la même carte pour tout le monde. Elle ne sera valable que 2 ans au titre de la vie privée et familiale. 4 ans pour un salarié en CDI. La durée du contrat pour un salarié en CDD. En cas d chômage, un an puis la durée (éventuelle !) des indemnités. La durée des études pour les étudiants (ce n’est qu’avec au moins un master que pour être recruté par une entreprise ou en créer une, une carte de 4 ans sera possible). Seules pourront se voir attribuer dès la première demande une carte pluriannuelle valable 4 ans des personnes, ainsi que leurs conjoints et enfants, figurant dans une liste de 9 catégories de talents et compétences, aussi détaillées que le nombre de personnes concernées est faible.
Mais avoir une carte pluriannuelle, ce n’est être tranquille pendant plusieurs années. C’est à tout moment que l’étranger doit pouvoir justifier qu’il continue de satisfaire aux conditions fixées par la délivrance de sa carte et répondre aux contrôles et convocations du préfet ! Tout manquement aux systèmes de contrôles pendant la validité du titre de séjour  pourra être sanctionné par le retrait de la carte de séjour. Les fonctionnaires territoriaux ne seront pas seuls à traquer la fraude : un nouvel article « facilite la possibilité pour l’autorité administrative sous réserve du secret médical, d’obtenir de certaines autorités publiques et personnes privées énumérées par la loi des éléments d’information permettant une action préventive et efficace des manœuvres frauduleuses ou de consulter les données qu’elles détiennent. ». Les demandeurs d’asile aussi se verront imposer de résider où l’administration voudra, et les travailleurs sociaux seront sollicités pour collaborer à leur expulsion s’ils sont déboutés. Surveiller et punir : ces dispositifs du projet de loi sont liberticides, leur logique est une menace pour les libertés de tous.
Quant à la carte de résident, elle existera encore, à condition d’avoir satisfait pendant 5 ans, au moins,  aux exigences de l’administration, et d’avoir progressé assez dans la connaissance de la langue française pour avoir atteint le niveau 2 selon la norme européenne.
On est aux antipodes des revendications portées par les collectifs et associations, aux antipodes des appels que nous avons élaborés ou cosignés ensemble, que ce soit celui d’UCIJ (Unis Contre Immigration Jetable) ou celui lancé par des organisations parisiennes, rendez-nous  la carte de résident,  qui a pris une dimension nationale, encore plus de la revendication de régularisation globale portée par des collectifs de sans-papiers….
Bien sûr, il y aura la bataille parlementaire, peut-être en 2015…mais qu’en attendre sinon le pire, si on ne parvient pas à rendre plus audibles nos valeurs et nos propositions pour que la liberté de circulation et d’installation des êtres humains soient les principes de la politique et de la loi, dans un France solidaire des peuples du monde ? Pour que la régularisation de tous et de toutes, qui travaillent, qui étudient, qui vivent ici, ça devienne le droit et la loi ?
Comment, ensemble, pour y parvenir, travailler à un changement de cap idéologique et politique, rassembler largement et avec assez de forces, sur quels mots d’ordres concrets, mobilisateurs, populaires ?
C’est pour en débattre que cette rencontre est organisée.
 Peut-être l’anniversaire de la convention internationale sur les droits des travailleurs migrants et de leurs familles, que la France ni aucun « pays riche » n’a ratifiée, pourrait nous donner un repère pour avoir d’ici là des initiatives communes préparant un ou des évènements le 18 décembre.

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