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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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En 2017, changeons la politique !

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lundi 21 décembre 2015

Mais que s’est-il donc passé à la Bourse du Travail de Saint-Denis le vendredi 11 décembre 2015 ?



Voilà que ça continue de s'envenimer ! La « morsure » du FN n'est décidément pas la seule à inoculer le poison des phobies racistes. Du Figaro à Causeur, de Clavreul à Fourest, en passant par les bouches de pointures du PS et du gouvernement, voilà que claquent les mâchoires de « faiseurs d'opinion » de tous bords, ou presque. Rares ont été les journalistes qui se sont rendus sur place, comme celui de Libération et à pouvoir donc faire un article conforme à la réalité. Après Clémentine Autain, qui n'était pourtant pas au meeting, et Ensemble, une des organisations du Front-de-Gauche, qui n'était pas coorganisatrice du meeting, c'est maintenant au tour de Marie-Christine Vergiat, députée de la Gauche Unie Européenne, seule parlementaire présente au meeting, puis de Jean-Luc Mélenchon, qui refuse de se joindre à la meute des inquisiteurs, d'être attaqués par leurs crocs.

Il est décidément grand temps que je termine et publie mon billet, dont la rédaction traîne depuis plus d'une semaine, espérant que ce témoignage, puisque moi j'y étais, et que j'ai pris de nombreuses notes, puisse contribuer modestement à ce que la lumière de la vérité renvoie les Dracula à leur monde des ténèbres, pourvu qu'il soit encore vrai que « l'aube dissout les monstres ».

Mais que s’est-il donc passé à la Bourse du Travail de Saint-Denis le vendredi 11 décembre 2015 ?

Avant même que soient officiels les résultats, Clémentine Autain était accusée d’avoir contribué à la défaite de la gauche aux régionales : l’élue de la Seine-Saint-Denis aurait participé à un meeting d’intégristes musulmans hostiles à la République Française. Et une certaine presse de colporter ainsi des ragots ! Gilles Clavreul en personne, délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (DILCRA) serait à l'origine de ces ragots malveillants à l'égard des participants au meeting, ou au moins il les a largement colportés dans les réseaux sociaux, sous couvert, qui plus est, de sa fonction officielle. Ce qui lui a valu une réplique cinglante de la LDH sous forme de lettre ouverte .(1)

J’ai assisté au meeting en question : Clémentine Autain n’y était pas. Et surtout je n’y ai entendu aucun propos « intégriste », aucun dénigrement de nos valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité, tout au contraire ! 



La soirée, «  à l’appel d’associations et de personnalités », était organisée « contre les dérives racistes et islamophobes de l’état d’urgence, la politique guerrière de la France, le tout sécuritaire et l’état d’exception liberticide », et tous les orateurs ont appelé «  à la paix, la justice et la dignité ». L'initiative s'inscrivait dans les journées européennes contre l'islamophobie. La salle est archi comble, un assistance diverse, une majorité de jeunes. Mais je n’ai croisé dans cette foule qu’une toute petite poignée de militants « de base », politiques, syndicalistes ou de « grandes associations antiracistes », à mon grand regret.

On pourrait en rester là, après le démenti de Clémentine Autain, l'article de Roger Martelli dans Regards, la mise au point de la LDH. Mais ce serait passer à mon avis à côté de quelque chose d’essentiel. En effet, le plus grave c’est ce que révèlent de telles attaques : la banalisation du racisme islamophobe, l'injurieux mépris pour une partie de nos concitoyens et, en particulier, pour une grande partie des familles et de la jeunesse des quartiers populaires. Le pire c'est que cela marche, au point que beaucoup semblent frappés d’alignement, acceptant pour le moins le dogme que ce serait mal d’avoir participé à un tel meeting, puisque sans y avoir assisté, tout un petit monde de « politiques », de médias,d'ignorants et de manipulateurs qui pullulent sur le WEB, en disent pis que pendre ! 
Lire à réponse que leur fait d'Alain Gresh 
A vrai dire, j’avais l’intention de prendre un peu de repos avant de rédiger un compte rendu de ce meeting, dont l’ensemble des interventions constitue une interpellation des pouvoirs publics et une alerte des citoyens qu’il est nécessaire et urgent d’entendre. Une nécessité dont visiblement je sous-estimais l'urgence. Des vidéos réalisées par les organisateurs seront publiées. Puisse ce billet, qui est forcément rédigé de mon point de vue de militant communiste antiraciste, contribuer à dissiper des préjugés, des phobies et des paresses intellectuelles qui dissuaderaient d’aller chercher à la source la réalité des propos des uns et des autres. Puisque la présence de certains intervenants, notamment de Tariq Ramadan, disqualifierait l’ensemble du meeting et vouerait aux gémonies tous les participants, fussent Michel Tubiana, ancien président de la LDH ou Laurence Blisson, secrétaire général du Syndicat de la Magistrature, je prends le parti de tenter de résumer mes notes sur ce que chacun a dit, au risque de quelques répétitions.

Madjid Messaoudene, est conseiller municipal de Saint-Denis, délégué à l’égalité femmes/hommes, à la lutte contre les discriminations, à l’égalité des droits et aux services publics. 

  Il accueille le meeting au nom de la ville, dont il lit un communiqué. Il condamne les attentats terroristes, rappelle que Saint-Denis aussi en a été victime, puis a connu encore le traumatisme des fusillades lors de l’intervention policière dans le centre-ville. Des dizaines de personnes ont été évacuées de leurs logements puis laissées sans assistance par l’Etat, ne pouvant compter que sur la solidarité du voisinage, de militants associatifs, du maire et d' élus de proximité . Il dénonce une campagne odieuse de calomnies et de stigmatisation des habitants et de la municipalité, La criante insuffisance des moyens humains, notamment en enseignants qualifiés, dans les écoles de Saint-Denis, est pour lui un exemple flagrant de discrimination au détriment des quartiers populaires et de « racisme d’Etat ».

1ère table ronde : 
guerres, interventions étrangères, terrorisme

Salma Yaqoob est britannique. Elle a été, de 2006 à 2011, élue au Birmingham City Council. Elle milite aux collectifs Stop the war et Not in my name .

Elle appelle à un engagement total contre les attentats terroristes, contre les politiques guerrières, contre tout ce qui incite à tuer des gens dans le monde.
Elle dénonce les discours de haine des politiciens et des médias, par exemple les unes du Daily Telegraph et de Sun (« Les musulmans sont des chiens » ; « Un cinquième des musulmans soutient DAECH »), aussi abjects que les provocations du candidat à l'investiture des « Républicains », Donald Trump, aux Etats Unis. Pour Salma, l'amalgame musulmans/terroristes fonctionne comme l'anticommunisme au siècle dernier : une nouvelle phase de l'impérialisme a besoin d'une idéologie, aujourd'hui c'est le racisme. Les conséquences sont terribles pour les musulmans, alors qu'ils font preuve d'intégration, et même de reconnaissance, à la société britannique : il s'installe de la haine et de la peur de la haine, ce qui entraîne autocensure et retrait de la vie publique. Les mots de tolérance, de liberté et de démocratie servent à justifier cela ! La solidarité de la gauche britannique, si elle progresse, n'a pas été automatique : de part et d'autre il faut vaincre des préjugés, et la diabolisation des musulmans est une arme de diversion massive, de plus en plus forte depuis 2001.

Aujourd'hui colonialisme, guerres et bombardements font des centaines de milliers de victimes, de morts et de réfugiés. Il n'y a pas de minute de silence pour ces victimes-là, qui ne sont ni comptées ni nommées. Les désespérés du monde entier sont des recrues potentielles pour les terroristes, les dérives religieuses viennent après. La solidarité est la seule antidote contre les extrémistes des deux bords. Il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de paix sans solidarité. Il faut rassembler les opprimés à partir de ce qui les rassemble contre les oppresseurs. Peu importe qu'on soit femme ou homme, hétéro ou homo sexuel(le), croyant ou non croyant...A nous de faire preuve d'imagination, de prouver qu'ensemble nous avons un pouvoir. « There Is No Alternative » à une guerre sans fin, c'est un mensonge, pas une fatalité.

Alain Gresh est journaliste au Monde Diplomatique dont il anime le blog Nouvelles d'Orient..

 Partageant la condamnation unanime des attentats terroristes, il consacre son intervention aux guerres, à son avis sous estimées comme causes de situations favorisant les instigateurs de ces crimes. La destruction de pays comme l'Irak, la Lybie, la Syrie, ont fait d'innombrables victimes, des centaines de milliers de morts en Irak, ont produit des ressentiments contre les puissances occidentales. Et il faudrait faire comme si ça n'avait pas de rapport avec le terrorisme, sous peine d'être condamné comme suppôt de DAESH ? Au nom de la guerre de l' Occident contre le terrorisme, il faudrait continuer à ne pas voir les morts des autres ? Nier que le résultat des guerres c'est la montée du terrorisme ?
La question palestinienne reste centrale. Depuis 2003, il y a eu l'écrasement de la deuxième intifada, les guerres contre Gaza, avec toutes les victimes restées anonymes pour nos médias. Le soutien de notre gouvernement à la politique, aux massacres du gouvernement israélien produit une hostilité de plus en plus sensible dans la région contre la France, alors que nous avions une image de puissance de dialogue et de paix héritée de De Gaulle.
Une vraie discussion serait nécessaire, mais il y a refus de débat, de démocratie. Les guerres servent-elles à quelque chose ? que valent les justifications des dirigeants des Etats-Unis, de Grande-Bretagne, reprises par Valls, après les attentats : « Nous allons les combattre là-bas pour qu'ils ne viennent pas nous faire la guerre ici ? »

Tariq Ramadan est de nationalité suisse, d'origine égyptienne. Il est islamologue, universitaire, écrivain. Il est professeur à l'Oriental Faculty et au St Antony's college de l'Université d'Oxford, directeur de recherche à la faculté de Doha , chercheur (senior fellow) à l'Université de Doskisha (Kyoto).

Il reprend l'analyse d'Alain Gresh et renchérit, rappelant les guerres étasuniennes pour « libérer » l'Afghanistan  et la volonté de la France de mener une intervention militaire en Syrie, bien avant les attentats de 2001 et de 2015. Il estime que la banalisation du racisme antimusulman est liée au soutien au sionisme et à la politique israélienne. La situation en France est similaire à ce qui se passe aux Etats-Unis depuis le 11 septembre 2001.

L'islamophobie est une stratégie de distraction , pour détourner les citoyens des échecs désastreux des politiques sociale et économique qui leur sont imposées. Il sert à faire accepter une politique sécuritaire, de surveillance, de délation, de suspicion, de peur, à suspendre le cadre légal et les droits de l'homme... Pour lui, cela disqualifie le gouvernement quant à son appel à faire barrage à l'extrême droite. Il fait référence à Naomi Klein ( auteure en 2008 de La stratégie du choc. La montée d'un capitalisme du désastre).

Concernant l'islam, évidemment la condamnation des attentats terroristes est totale. Les musulmans n'ont pas à être mis en demeure de condamner pour prouver leur adhésion aux valeurs de la République ! Comme tous les citoyens, ils sont horrifiés et sont des victimes potentielles. Manuel Valls lui-même a déclaré, avant les élections, pour avoir les voix des musulmans, que l'islam est une religion de paix. Il considère que le mot « radicalisation » n'est pas à utiliser, parce qu'il laisse entendre implicitement que le terrorisme pourrait se justifier par un fondement religieux. Or, les jeunes « djihadistes » sont le plus souvent des nouveaux convertis à une religion dont ils n'ont qu'une approche superficielle. Il critique sur les plans philosophique et théologique les courants salafistes et littéralistes, mais il dénonce leur criminalisation, qui est d'ailleurs incohérente avec le soutien de la France aux Etats qui les financent ! Il n'y a pas, insiste-t-il, de discours religieux qui puisse justifier les crimes.

Il faut «  sortir de l'ornière d'une position victimaire » pour lutter contre l'islamophobie, contre l'instrumentalisation d'une fausse laïcité répressive et intrusive, et  rassembler sur le plan national pour la justice sociale, contre la dérive liberticide pour tous, et sur le plan international, pour renforcer le mouvement anti-guerre, qui est essentiel mais encore minoritaire.

2 ème table ronde : 
état d'urgence et Islamophobie

Marwan Muhammad est statisticien, écrivain, ex porte-parole du Collectif Contre l'Islamophobie en France (CCIF).

Donnant un ton très polémique à son discours qu'il finit en rap, il critique avec virulence l'attitude de Manuel Valls, qui n'a pas envie de comprendre les sociologues, ainsi que toutes les associations et les politiques qui dénoncent le racisme sans le vivre, et sont absents à ce meeting. Face aux violences, aux souffrances et aux humiliations, subies sous l'état d'urgence, « si on n'est pas choqué, c'est qu'on est déjà morts ; si on n'a pas d'empathie, que reste-t-il de nous ? ». Nous subissons un « discours orwellien », il y a « désengagement de la politique parce que les mots sont assassinés par les politiques », « la démocratie ça s'use quand on s'en sert mal ». Il lance le slogan « Pas de justice, pas de voix », qui sera repris et décliné en diverses variantes par la grande majorité des participants.

Michel Tubiana , avocat, est ancien président de la Ligue des Droits de l'Homme. A l'initiative de la LDH, qu'il représente au meeting, l'appel Nous ne céderons pas a rassemblé associations et syndicats (2).

La LDH reste fidèle aux principes, ce qui n'est pas facile quand s'installe la peur, attisée par des hommes politiques pour perdurer au pouvoir. Les mises en cause de l'islam, de sa prétendue incompatibilité avec la république ne datent pas d'hier. Le pays va mal depuis longtemps, et la dégradation s'aggrave depuis des décennies. Des citoyens n'ont pas les mêmes droits dans la pratique, c'est une « fracture » dans les principes de la république.
La 5ème République n'aura connu que 5 ans sans juridiction d'exception. L'état d'urgence prolongé a été voté en 48h et sa « constitutionalisation » est en préparation : les projets étaient déjà écrits ! Cela rappelle les pouvoirs spéciaux des années cinquante, L'arbitraire de l'Etat devient la règle, et les libertés l'exception. Par exemple les « fiches S », dont personne ne contrôle le contenu. L'état d'urgence, c'est la couverture « légale » pour les policiers, dont certains disent : « On fait ce qu'on veut ». Et la politique des suspects s'étend, par exemple aux militants écologistes. C'est la pente dans laquelle s'engage un pouvoir qui sort du droit commun, vers un pouvoir absolu.

La stigmatisation des musulmans, assez ! Mais la victimisation, une posture de privilège dans les luttes, serait une erreur. La LDH appelle à la réunion de tous : « votre liberté dépend de la mienne et réciproquement ». Nous sommes encore une minorité, la question est de rassembler autour de nous pour protéger les libertés de tous.

Ismahane Chouder est militante du Collectif Féministe pour l'Egalité, c'est une des signataires de l'appel à la Marche de la dignité du 31octobre 2015 à Paris.

L'islamophobie est encore une opinion, pas un délit, dans ce pays ! Et cette caution ne vient pas que de la droite dure : c'est le racisme le plus partagé. Les musulmans sont présentés comme comptables de tous les crimes faits au nom de l'islam. Les discriminations qu'ils et elles subissent sont niées, euphémisées, non prises en compte. Que fait-on des peurs des musulman-e-s, alors qu'on justifie la peur des islamophobes ? A quand le courage, face au racisme institutionnel, étatique... La désignation d'ennemi intérieur, de bouc émissaire, c'est une logique de guerre. Lutter contre, c'est se rassembler pour la paix, la justice, le respect, la sécurité, l'égalité, les libertés.

Simon Delafoy représente la Convergence Citoyenne Ivryenne (CII), membre avec le Front de gauche et EELV de la Majorité municipale d'Ivry sur Seine.

Le 19 novembre dernier, une séance du Conseil municipal avait été marquée par des incidents créés par la réaction de l'opposition municipale, les groupes PS et UDI, provoquée par l'intervention d' Adef Rhouma, adjoint au maire. L'orateur lit des communiqués de son organisation, conformes à ceux qu'à publiés le site 94.citoyens :

« Nous l’avons dit et répété : Nous condamnons sans réserve ces actes monstrueux que rien ne peut justifier. Il va sans dire que nous condamnons également avec la plus grande fermeté Daech, ses atrocités et son projet, insiste le maire adjoint à la petite enfance. Nous avons également exprimé aux familles et aux proches des hommes et des femmes victimes de ce drame nos plus profondes condoléances et notre soutien à toutes ces victimes innocentes, aux blessés et aux témoins de ces abominations. »
Tout en soulignant que « l’émotion et la peur ne favorisent ni le débat ni la compréhension de ce qui vient de se passer », l’adjoint maintient toutefois que « rien ne serait pire que de renoncer à rechercher les causes profondes de ces actes, de perdre une certaine forme de  lucidité, de se taire et de laisser instrumentaliser la peur. Il doit être encore possible en France d’être antimilitariste, contre toute forme de guerre et de le dire. Avec cette polémique, le PS local tente d’éluder toute analyse critique vis-à-vis des choix gouvernementaux et toute opposition à ce qui à nos yeux relève de l’instauration d’un climat de crainte et de guerre. »

Depuis, les socialistes d'Ivry continuent de s'acharner sur l'organisation qui se veut la voix des quartiers de la ville, et son élu : signalements au préfet, pressions, sans succès, sur le maire communiste pour qu'il retire la délégation d' Adef Rhouma. La CII prépare une lettre ouverte à la population.


Laurence Blisson est secrétaire général du Syndicat de la Magistrature.

Le SM est opposé à l'état d'urgence, qui crée une situation d'exception, suspend les droits, à partir de deux notions fausses : ce serait utile pour notre sécurité, et on ne pourrait pas faire autrement.

Lutter contre les crimes terroristes est une évidence. Mais les perquisitions judiciaires, les mises en examen, les assignations à résidence...peuvent être faites hors état d'urgence, sous le contrôle d'un juge. Sinon, cela voudrait dire que l'Etat de droit est impuissant, qu'il faut un état d'urgence permanent ! Ce serait suspicion et stigmatisation permanentes, libertés de tous en danger, au nom d'un principe de précaution qui constitue le plus grand danger : c'est la négation du droit à la sûreté, qui protège contre l'arbitraire étatique. En ce moment le Ministre de l'Intérieur et les préfets décident par exemple de perquisitions, d'assignations à résidence, avec pointages 3 fois par jour et interdictions de contacts, ce qui détruit la vie des gens, en restant dans le cadre administratif, sans présenter d'éléments pour une enquête judiciaire.

Le contrôle du juge administratif ne protège de rien. Par exemple, le Conseil d'Etat a rejeté les recours des militants écologistes. Il suffit que le gouvernement démontre que ses soupçons sont vraisemblables, sans débat contradictoire. Et si l'assignation est estimée non ou mal respectée par la police, le juge judiciaire revient, pour, sur ce seul chef d'inculpation, condamner à des peines de prison...

La révision constitutionnelle vise à rendre cela permanent. Alors qu'il n'y a pas de sens à réviser la constitution dans l'urgence, si ce n'est pour asseoir un état d'urgence qui pourrait être prolongé au nom de l'anticipation des risques par le pouvoir politique et étatique. Avec en plus la déchéance de nationalité, qui ne sert évidemment à rien en matière de lutte contre le terrorisme...Et d'autres lois s'annoncent, pour permettre par exemple les contrôles d'identité administratif sans en passer par le juge judiciaire. Il faut se battre contre ces lois-là, alors que l'opinion semble s'y résigner en croyant à la fausse évidence qu'elles nous protégeraient. C'est au contraire le terreau des stigmatisations et des discriminations, de l'arbitraire contre les droits de tous..

Yasser Louati est porte parole du Collectif Contre l'islamophobie en France .

Il conclut le meeting en appelant à renforcer et soutenir le CCIF, qui recueille les témoignages et va leur donner suite. Il annonce avoir reçu déjà, depuis la mise en place de l' état d'urgence, les perquisitions et les assignations à résidence, une cinquantaine d'appels et de messages émanant de personnes victimes de destructions de biens, de traumatismes et d'humiliations, de graves problèmes de santé, de troubles psychologiques pour des enfants, de pertes d'emplois, d'impossibilité à se présenter à des examens universitaires, des concours sportifs...
Le site du CCIF est régulièrement mis à jour, et propose une souscription pour financer notamment des actions en justice.


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Le nombre d'orateurs et l'organisation du meeting ne permettaient pas d'interventions de la salle. J'aurais volontiers fait deux remarques. La première aurait insisté sur les luttes solidaires avec les migrants et réfugiés, seulement évoqués par une oratrice. La seconde aurait suggéré de tenter de créer des liens pour le rassemblement visé avec les acteurs des luttes contre la "criminalisation" de l'action syndicale et revendicative des salariés.
Mais je me suis contenté, à plusieurs reprises, d'applaudir, sauf bien sûr aux appels à s'abstenir à l'élection régionale, participant ainsi à la chaleureuse ambiance de ce meeting animé avec dynamisme par Sihame Assbague, porte-parole du Collectif contre le contrôle au faciès
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(1) La réponse de la LDH à Gilles Clavreul :
"Monsieur le délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l'antisémitisme (Dilcra),
Dans un de vos récents posts, publié sur votre page Facebook sous l’emblème de la République, vous évoquez avec violence – presque avec haine – ce que vous qualifiez « d'offensive antirépublicaine menée par Tariq Ramadan, le Parti des Indigènes et un certain nombre de collectifs antidémocratiques, racistes et antisémites ». Vous saisissez l’occasion d’un meeting public, tenu à Saint-Denis, avec, précisez-vous, « le concours ou la bienveillance de certaines organisations d'extrême gauche et syndicats professionnels… ».
Vous n’êtes pas sans savoir que la Ligue des droits de l’Homme, avec d’autres, a participé à ce rassemblement qu’elle n’organisait pas, mais auquel elle était invitée ; ce qui nous amène à vous poser plusieurs questions.
Tout d’abord, rangez-vous notre association parmi les « collectifs antidémocratiques, racistes et antisémites » auxquels vous faites référence ? Ensuite, estimez-vous que la Ligue des droits de l’Homme est au nombre de ces organisations que vous accusez, au mieux, d’être confuses sur « les périls qui menacent notre société, qu'il s'agisse, depuis bien longtemps, des questions de sécurité, de laïcité, de respect des lois de la République […] » ? Si c’est le cas, votre propos procède d’une ignorance à ce point scandaleuse de la réalité de nos positions, de nos propos, de notre activité et de l’histoire de France... qu’il nous est difficile d’y croire. Nous souhaiterions vivement, par conséquent, savoir si cette vision relève d’une sensibilité toute personnelle, voire privée, ou si elle engage le Dilcra.
Ce dernier point nous touche d’autant plus que vous affirmez, non sans véhémence, que la critique de l’état d’urgence, ou de la politique étrangère de la France, ne vise qu’à «légitimer l'islamisme, à défendre des prédicateurs fondamentalistes et à piéger la jeunesse des quartiers dans une radicalité sans issue».
Faut-il conclure de vos propos que lorsque la LDH s’élève contre la prorogation de l’état d’urgence et engage les recours nécessaires, elle légitime cette « radicalité » dont on peut déduire tout naturellement qu’elle conduit au terrorisme ? Vous rendez-vous simplement compte de ce que vous écrivez ?
La France a, de fait, un fort besoin de rassemblement contre le racisme et tous ses avatars, au rang desquels nous comptons l’antisémitisme, l’islamophobie, la négrophobie, les discours et pratiques anti-Roms et autres qui dénaturent la devise républicaine au nom d’une égalité devenue relative… Il revient évidemment à chacun de s’exprimer sur la pertinence de ces sujets, de leur sémantique et du jeu des acteurs en présence ; il ne vous appartenait pas, en revanche, de dicter une doxa antiraciste et pas plus d’exclure tel ou tel. Vous êtes-vous seulement rendu compte que votre propos ne peut qu’être ressenti que comme un mépris institutionnel ? Au risque de ruiner l’impact de la mission que le gouvernement vous a confiée.
Même si nous sommes très critiques à l’égard de certaines positions qui remettent en cause l’universalisme de l’antiracisme, nous les entendons aussi pour ce qu’elles sont : le résultat d’une réalité qu’aucun gouvernement n’a su ou voulu réduire. Combattre ces dérives, ce n’est pas lancer des anathèmes et adopter un langage d’exclusion. Nous avons, comme association de défense des droits et des libertés, le souci de faire vivre le dialogue, fût-il difficile, entre associations antiracistes. C’est ainsi que nous sommes cosignataires de la campagne contre le racisme qui proclame « Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute ». Il est tout à fait incongru de voir le Dilcra, supposé favoriser dialogue et convergences, s’acharner à rajouter son « mais... » à la belle phrase de Lamartine.
Puisque votre post est public, vous comprendrez que nous faisions de même.
Je vous prie de croire, monsieur, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Françoise Dumont
Présidente de la LDH"

(2) Jeudi 17 décembre, un collectif encore élargi d'associations et de syndicats ont présenté lors d'une conférence de presse un nouvel appel : Sortir de l'état d'urgence.




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