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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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vendredi 27 janvier 2017

Les Tours Aillaud : des vieilles dames indignes ?

Béton après béton, la poussée de La Défense bouche l'horizon des "tours nuages"
Les Tours Aillaud, avec leurs 1607 logements sociaux, si proches du coeur du quartier d’affaires de la Défense, dont les avancées tentaculaires enserrent progressivement par le nord-est le quartier du Parc à Nanterre, constituent depuis l’origine un défi, une provocation. Elles sont depuis longtemps dans le collimateur de la droite qui gère le département. Aujourd’hui, un nouveau projet vise à « changer leur destination », au nom de la « mixité sociale » : une nouvelle Zone à Défendre ?


Avec les expulsions massives d’habitants de quartiers populaires pour libérer un gigantesque espace pour des gratte-ciels de bureaux, l’établissement public d’aménagement de La Défense (EPAD, devenu EPADESA) avait dû construire davantage de logements publics aidés que de logements privés au prix du marché. C’est pour répondre à ce besoin qu’autour de la réalisation du Parc André Malraux, des architectes comme Emile Aillaud ou Jacques Kalisz, ont pensé des bâtiments innovants pour des logements accessibles aux foyers populaires. Aujourd’hui, au contraire, la proportion de logements privés, au prix du marché, nouvellement construits, l’emporte de loin dans le périmètre de l’EPADESA (1). La vaste opération immobilière en cours dans le quartier de Puteaux voisin – Les Bergères – en est une des illustrations.

Dans les années 2002-2005, l’Office départemental HLM des Hauts-de-Seine (devenu Hauts-de-Seine Habitat), propriétaire des deux tiers des dix- huit tours réalisées dans les années soixante/soixante-dix par Emile Aillaud, ainsi que le maire de Puteaux, relançaient l’offensive. Démolir les deux tours de grande hauteur, dont le coût d’entretien était estimé trop élevé « pour des logements sociaux », en profitant de l’opération Seine-Arche pour proposer des relogements, selon les amis de Sarkozy et de Balkany. Détruire le plus possible de ces foyers populaires, impératif de « sécurité » pour la population de Puteaux, selon la très réactionnaire Ceccaldi-Raynaud. Mais la municipalité communiste de Nanterre de l’époque, dont l’Office HLM possède une partie de ce patrimoine, dont une des deux tours de grande hauteur, refusa.

Luttes et investissements publics.

38 étages, 180 logements, du F1 au F6
Une des deux tours jumelles de grande

hauteur.
La cité des tours Aillaud était à l’origine conçue pour loger une population diverse. A côté de tours HLM, d’autres étaient ILM, ce qui permettait par exemple à des enseignants, du quartier et de Nanterre, dont les revenus dépassaient le « plafond HLM », d’habiter sur place. Mais au fur et à mesure de la conquête par la droite de villes du département, et la destruction qui s’en est suivie de logements à bas loyers pour faire place à des opérations de promotion immobilière, des ménages à faibles revenus ont été relogés par l’office départemental dans des tours Aillaud ILM : beaucoup ne parvenaient pas à payer la quittance. De plus, les moyens mis par le département pour l’entretien des bâtiments étaient réduits au minimum. Des luttes, soutenues notamment par Nadine Garcia, alors conseillère départementale (PCF), ont abouti à empêcher des expulsions, à la réalisation de travaux urgents, et la revendication majoritaire des locataires, le déclassement en HLM, a été obtenue. Ne reste donc plus aujourd’hui d’ILM qu’une tour de grande hauteur – au 19 allée des Demoiselles d’Avignon -, gérée par l’office municipal. Face à la pression de la demande de logement social, à la baisse des revenus de beaucoup de locataires, certains demandent qu’elle soit elle aussi « déclassée » en HLM, ce que refuse la Municipalité, au nom de la « mixité  sociale ».


Des investissements très importants ont été faits par la ville et la Région pour réhabiliter les espaces extérieurs, avec le Département pour améliorer et sécuriser les parkings souterrains. Des accords avec les bailleurs ont été établis en ce qui concerne l’attribution des appartements. Quant à l’entretien des bâtiments, le décalage, comme dans le passé, entre l’office municipal et Hauts-de-Seine Habitat reste toutefois flagrant. Aujourd’hui, des investissements importants sont nécessaires, un demi-siècle après le début de la construction des tours, pour l’étanchéité des façades, des fenêtres, pour mettre aux normes actuelles le coût énergétique... Toutefois, aucune étude n’a été publiée pour comparer ces dépenses avec le coût que représenterait la construction de leur équivalent (1607 logements sociaux plus spacieux que les normes actuelles).

Réhabiliter pour céder au privé ?

Ouverte sur le parc départemental André Malraux, à une vingtaine de minutes
des Champs Elysées par le RER ou le métro, à proximité d'équipements sportifs
et culturels de  Nanterre,  reliée au centre-ville par un service de bus, à quelques

minutes à pieds du parvis de La Défense, la cité n'a rien d'un "ghetto"!
Fin 2016, c’est le maire de Nanterre qui a rouvert le dossier des Tours Aillaud. Plus exactement, selon les informations publiées, d’une partie de cette cité. Il est question officiellement de cinq-cents appartements à libérer. Plus question de toucher aux tours de grande hauteur : seraient concernées d’autres tours gérées par Hauts-de-Seine Habitat, les plus proches du quartier d’affaires de La Défense. Si leur démolition n’est pas tout à fait inenvisageable, malgré leur inscription au patrimoine architectural, l’idée avancée actuellement serait plutôt de changer leur destination. Ce pourrait devenir des hôtels, ce pourrait même rester des logements d’habitation, mais pas sociaux ! Les projets  pensés dans le cadre de l' ANRU (Agence nationale de rénovation urbaine) subordonne en effet les aides financières pour réhabiliter les quartiers sélectionnés, comme la partie sud du quartier du Parc à Nanterre,  à la suppression de logements sociaux, au nom de la « mixité sociale ». Quoi qu’il en soit, des travaux, demandés depuis longtemps par les locataires (façades, nouvelles fenêtres étanches…) sont désormais annoncés, et il ne serait sans doute pas concevable de les réserver aux bâtiments voués à être privatisés.
Reste à convaincre cinq cents locataires de déménager pour le nouveau quartier, en prochaine construction, des Groues. La question du coût du loyer et des charges, plus élevés dans les constructions récentes, se pose. Une aide spécifique de l’Etat en ce domaine paraît relever des plus invraisemblables hypothèses, au moment où ces subventions sont drastiquement baissées pour la construction, l’entretien du patrimoine des logements sociaux, ainsi que l’aide personnalisée au logement. On sait aussi que le Département, et la Région, gérés par la droite, refusent désormais toute contribution en ce domaine pour les villes qui, à leurs yeux, ont construit trop de logements sociaux, ce qui est le cas de Nanterre. Sans pour autant bien sûr cesser de combattre farouchement toute mesure de nature à contraindre vraiment leurs amis politiques à en construire dans des villes mises à l’amende pour être en dessous des 25% de logements sociaux !  Le consensus affiché autour de la notion de « mixité sociale » a en effet ses limites : celles des « ghettos des riches ». 

Un défi, si près du quartier d’affaires…

Un site qui fait des envieux...
On le sait, une partie des nouvelles constructions à Nanterre sert à reloger des Nanterriens venus de quartiers en réhabilitation. Cela pourra être sans doute encore le cas dans le nouveau quartier des Groues. Mais dans un contexte où il y a un manque de plusieurs centaines de milliers de logements sociaux réellement accessibles aux catégories populaires dans la région parisienne, la priorité est-elle vraiment d’en démolir ou d’en transformer en hôtel ? En ce qui concerne les tours Aillaud, la population, comme celle du quartier, est caractérisée par sa jeunesse. Il faut déjà plusieurs années à un jeune né à Nanterre pour obtenir un logement, malgré les nombreuses constructions nouvelles, et on sait que la politique austéritaire de restriction des moyens des collectivités locales et des bailleurs publics va rendre de plus en plus difficile de continuer à construire pour répondre au droit au logement pour tous. A cela s’ajoute la menace que dans le cadre de la Métropole, les communes perdent leur compétence en ce domaine. 
Les habitants des tours Aillaud veulent se faire entendre, ce qui ravive des amicales de locataires qui étaient tombées un peu en sommeil. Affaire à suivre !


(1) L'article de Marcel Cornu, "Habiter La Défense",  paru en 1982 dans le n° 189 de la revue URBANISME RF, constitue une remarquable analyse de la génèse des quartiers dans le périmètre de l'EPAD, dont le quartier du Parc à Nanterre. 



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