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40 mars 2016, Place de la République, Paris

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Nanterre en colère

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En 2017, changeons la politique !

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la santé n'est pas une marchandise

Membre des bureaux départementaux des Hauts de Seine de la MGEN et de la Mutualité Fonction Publique, j'ai rédigé cet article destiné au bulletin de rentrée(septembre 2011)  de la MGEN 92 :

Si vous avez manqué
l’assemblée départementale…


C’est dans l’amphi flambant neuf du bâtiment V de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense que s’est tenue le 25 mai 2011, en présence de Thierry Beaudet, président de la MGEN, l’Assemblée de notre section départementale.
Le partenariat entre la mutuelle et l’université avait connu un temps fort, en mars dernier, avec le colloque « Souffrance au travail, travail en souffrance…fatalités ? », évoqué par quelques minutes de film en ouverture des travaux . Chantal Feusier, présidente de la section, a rappelé l’importance de l’engagement de la MGEN pour ces initiatives citoyennes. Dans le cadre de la Mutualité Fonction Publique, dont Philippe Laville préside le bureau départemental, la conférence débat « Quelle politique du médicament aujourd’hui ? » avait connu un succès prémonitoire, en avril 2010, à l’Institut Mutualiste Montsouris, juste avant que n’éclate le scandale du Médiator. La section avait donc décidé de faire suivre l’Assemblée statutaire d’un débat public : « Ma santé et moi, quel avenir pour une protection sociale solidaire ? », et avait invité deux économistes et un sociologue spécialistes de la question. Si le nombre de participants a déçu, par rapport aux moyens humains et matériels engagés, la rencontre a montré la nécessité de continuer à débattre, à approfondir le travail entrepris par la MGEN, avec le Livre blanc sur la sécurité sociale, qui sera publié à l’automne.

A l’écoute du mutualiste
Quelques jours après les assemblées régionales de printemps à Evry, quelques semaines avant les assemblées générales de Besançon, l’assemblée départementale des Hauts-de-Seine était l’occasion d’échanger avec les déléguées et membres du comité de section, avec le Président de la MGEN, de la qualité et de l’évolution des services pour les mutualistes du département, comme du pilotage économique et de l’activité nationale de notre mutuelle.
Claire Petit, membre de l’équipe de direction de la section, a présenté de nouvelles prestations orphelinat et handicap, dépendance et perte temporaire d’autonomie, des mesures de revalorisation de prise en charge de la chambre individuelle, du dentaire, des verres et montures dans le cadre de conventionnement, un nouveau service d’aide à domicile… Sans oublier dans le 92 l’accueil à la section et sur rendez-vous d’une psychologue, des stages de prévention de la voix, ou des actions pédagogiques d’éducation à la santé en partenariat avec l’Inspection académique…
Pour renforcer le lien entre la mutuelle et l’adhérent, Michèle Santangelli, administratrice nationale et déléguée départementale, a détaillé le projet de charte, des outils d’information et d’accompagnement, de formation des acteurs de la mutuelle… Il faut aussi et surtout renforcer notre réseau de correspondants d’établissements, avec lesquels de nouveaux espaces de rencontre sont à construire. De même le rôle de l’assemblée départementale doit être revalorisé, afin qu’au-delà de la cinquantaine d’adhérents qui y ont participé cette année, un nombre bien plus grand s’y fasse entendre. La place de l’adhérent dans la mutuelle est en effet un enjeu de plus en plus crucial dans un contexte de casse des solidarités et de marchandisation de la santé, où la défense des valeurs mutualistes nécessite une large mobilisation.

Construire d’autres horizons
« …Ne peut-on construire d’autres horizons que celui des concurrences inamicales, des inégalités croissantes qui, un peu plus chaque jour, déchirent le tissu social, affaiblissent notre socle républicain de liberté, d’égalité et de fraternité ? », interroge Thierry Beaudet dans son rapport moral, puis il affirme : « La mutualité, par son objet social à but non lucratif, ses choix solidaires, représente un mouvement et une force de régulation, d’équilibre humain des sociétés », dans « nos domaines d’engagement : la santé, l’éducation, l’action sociale, piliers de notre histoire et de notre culture, champs de nos réalisations, de notre expérience, de nos innovations ». Deux exemples, parmi d’autres, de ces résistances et innovations relevant de notre engagement citoyen :
- La MGEN vient de constituer une union mutualiste de groupe, forte de 6 millions d’adhérents, avec d’autres mutuelles de la fonction publique avec lesquelles nous partageons des valeurs essentielles. C’est une réponse solidaire à de nouvelles exigences de solvabilité, qui seraient mortelles pour des mutuelles beaucoup plus petite que la nôtre, et laisserait le champ libre aux assurances privées. Mais nous pensons que le cadre de la MFP permet aussi d’être offensifs, de prendre d’importantes initiatives publiques, comme le colloque régional « Liberté, égalité, santé : l’heure des choix » organisé samedi 22 octobre à Paris.
- Nos centres de santé, par exemple l’Institut Mutualiste Montsouris à Paris, continuent de développer des pôles techniques d’excellence, avec des pratiques médicales aussi vertueuses que non conformes aux critères de rentabilité financière. Faisons-les mieux connaître, pour que davantage de mutualistes en bénéficient. Mais pourrions-nous nous contenter d’ilots protégés, au milieu d’un champ de désastres pour la santé publique provoqué par la mise en application de la loi HPST ? Des membres du comité de section ont participé à des rassemblements, à Paris et dans le département, de personnels et d’usagers pour défendre l’Hôpital public, ont assisté à des Assises de la santé organisées par le Conseil régional. Les regroupements de services se traduisent dans les Hauts-de-Seine par des fermetures d’accès aux soins de proximité, de lits de pneumologie, de cardiologie…au profit du privé lucratif. Dont une des conséquences est l’insupportable montée des dépassements d’honoraires et du coût des chambres individuelles. Dans les hôpitaux publics, sous la pression du rendement financier, la souffrance au travail des personnels devient insupportable…Le carrefour de santé social, que nous nous efforçons de faire vivre avec des syndicats, ne pourrait-il pas être un espace de discussion et d’engagement sur de telles questions ?

La santé n’est pas une marchandise

Le devenir de la protection sociale, et en particulier celui de la sécurité sociale et de sa branche maladie, objet central du débat public du 25 mai, constitue un choix de société, un choix de civilisation. Tous les intervenants en ont décliné les enjeux : rôle économique du système de santé et de protection sociale, amortisseur de crise et facteur de croissance ; besoins modernes d’égalité territoriale et sociale, d’universalité, non seulement pour l’accès aux soins, mais pour le droit à la santé (prévention, environnement, conditions de travail et de vie…), la santé considérée comme un bien commun et non comme une marchandise ; nécessité de démocratiser les choix politiques d’ investissements, humains et matériels, forcément très lourds et croissants pour la santé (11% du PIB en 2011)… Les principes et les valeurs de la Libération, à l’origine de la création de la sécurité sociale en 1945, sont toujours d’actualité. Mais, dans la crise économique apparemment sans fin que nous vivons, c’est sur les moyens financiers à inventer, pour sauver, moderniser, développer cette conquête sociale majeure que porte surtout le débat.

Une mort programmée de la sécurité sociale ?
Le report des dépenses de santé sur le reste à charge de l’usager et sur les mutuelles (le taux de remboursement par la sécurité sociale des soins hors hospitalisation et ALD n’est plus que de 50%) , même si la MGEN a encore les moyens d’y faire face sans nouvelle augmentation générale des cotisations en 2011, renforce les inégalités. Mais il y a pire. De telles mesures, comme toutes celles prises depuis des décennies, sont inefficaces au regard de l’objectif avoué de combler le déficit de la sécu, puisque le « trou » se creuse de plus belle après chaque prétendu colmatage. -11,3 milliards pour le seul régime général maladie selon les objectifs 2011 de la Loi de Financement de la Sécurité Sociale, au nom de l’ « absurde conception comptable » (pour reprendre l’expression de Frédéric Pierru) de la santé. Depuis 1996, la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) prend en charge la dette accumulée, accrue de transferts de dettes de l’Etat, en empruntant sur les marchés financiers, les intérêts (3,5 %) étant payés par des impôts (CRDS,CSG). Ce programme de financement annuel est actuellement de 30 à 35 milliards d’euros. En 2018, le total des déficits repris atteindrait les 267 milliards ! (1) Un gouffre horrifique, au bord duquel les bonimenteurs du MEDEF prêchent leur « réforme » sous forme de régime à trois étages : le risque lourd financé par l’impôt (pourquoi pas une TVA dite « sociale » ?), la complémentaire obligatoire de premier niveau, financée par les cotisations sociales, et la sur-complémentaire financée par les cotisations volontaires. Cette mort programmée de la protection sociale à la française n’est pourtant pas fatale.
 
Cotisations ou impôts ?

Philippe Batifoulier, Catherine Mills, économistes, 
Frédéric Pierru, sociologue,
Thierry Beaudet, président de la MGEN,
Philippe Laville, président du bureau de la MFP 92 et
vice-président de la section 92 de la MGEN, animateur du débat


En 1945, le choix a été fait, grâce au rapport des forces sociales et politiques de l’époque, de fonder le financement de la sécurité sociale à la source de la production des richesses : l’entreprise, avec les cotisations patronales et les cotisations des salariés constituant des « salaires différés ». Mais le chômage massif et les bas salaires, la montée de formes de rémunérations échappant aux cotisations sociales, la délocalisation de productions et de services, le dogme de la baisse des « charges sociales » sur les entreprises, la recherche de profits sur le marché financier au détriment de l’investissement productif, ont réduit les ressources de la protection sociale. En même temps, la gestion de la sécurité sociale a échappé aux représentants des salariés. C’est dans ce contexte que diverses pistes de financement de la sécu sont en débat. La meilleure (ou la moins pire) des solutions est-elle d’augmenter la CSG ? Ni Philippe Batifoulier ni Catherine Mills n’y sont favorables. Présentée comme proportionnelle à tous les revenus, la Contribution Sociale Généralisée est en réalité prélevée pour 88% sur les salaires, retraites et revenus de remplacement. La montée de la fiscalisation et de l’étatisation de la protection sociale, qui a accompagné régulièrement la baisse des charges patronales, a été l’instrument de la baisse des dépenses sociales, et de l’ouverture du marché de la santé aux profits privés. D’autres pistes méritent d’être examinées. Une modulation du taux de cotisation patronale prenant en compte le rapport masse salariale/valeur ajoutée inciterait les entreprises à développer l’emploi stable, les salaires, la formation, un nouveau type de croissance, donc une masse de cotisations accrue. Une nouvelle cotisation sur les revenus financiers des entreprises, des banques et institutions financières, aujourd’hui exempts de contribution sociale pourrait être mise en œuvres. D’autres mesures d’urgence, comme le remboursement des dettes patronales et des dettes de l’Etat à la sécurité sociale, la fin des politiques d’exonération de charges sociales patronales qui ne créent pas d’emploi et tirent les salaires vers le bas, seraient plus vertueuses économiquement que d’accroître un déficit qui augmente l’endettement auprès des marché financiers. De telles mesures sont en totale rupture avec les choix politiques actuels, mais n’oublions pas que la création de la sécurité sociale en 1945 a été elle-même le fruit d’un volontarisme politique ambitieux dans un pays beaucoup moins riche que la France d’aujourd’hui.
  Depuis notre débat public, la crise produite par les politiques néolibérales et déclenchée par la spéculation financière, l’annonce d’une croissance zéro de notre PIB, la politique annoncée de super austérité (pacte euro+ et « règle d’or » exigeant de nouvelles coupes dans les dépenses publiques et sociales) ne peuvent que donner une actualité nouvelle au débat, à poursuivre, sur le devenir d’une protection sociale solidaire.

(1) Toutes les données chiffrées sont extraites du Livre blanc pour la sécurité sociale élaboré par la MGEN (version mai 2011)

Nos invités du débat
« Ma santé et moi, quel avenir pour une protection sociale solidaire »
et quelques uns de leurs livres
Philippe Batifoulier, maître de conférences HDR à l’Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, chercheur au laboratoire Economix (CNRS) Santé et politique sociales :
 Entre efficacité et justice (avec A.Buttard et J-P. Domin), édition ESKA, 2011
Ethique et politique de la santé (avec M.Gadreau), Economica, 2005
Catherine Mills, docteur es sciences économiques,maître de conférence honoraire à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Protection sociale. Economie politique. Débats actuels et réformes (avec José gaudron), Gualino, 2009 (3ème édition)
La protection sociale en danger : état des lieux et stratégie pour une alternative (avec Michel Limousin), collection ESPERE, Le Temps des Cerises, 2010
Frédéric Pierru, docteur en science politique, sociologue, chargé de recherche CNRS, chargé de cours à l’Université Paris IX Dauphine, à l’Université de Picardie Jules Verne, à l’ENSTA. Hippocrate malade de ses réformes, Editions du Croquant, 2007
La santé, un état des lieux, collection Sciences Humaines, 2010
Manager ou servir. Les nouveaux serviteurs de l’Etat. Syllepse/nouveaux regards, 2011